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Lettre à mon p'tit frère pour son premier Ironman à Nice

depart-natation-IM-nice2Mon cher B., tu t'attaques cette année à ton premier triathlon Ironman, à Nice, et dans des conditions inimaginables ! Si jamais tu le terminais, ce que j'espère, tu seras pour moi le vrai héro de l'épreuve 2015, et de ce label IM qu'il faut mériter.

Ce que tu vas faire dépasse l'entendement. Et avec ma petite dizaine d'épreuves au compteur, sur ce format, moi qui me régale dans les côtes et les conditions les plus dures, je peux te dire que je ne me serai jamais lancé - comme toi, dans cette folie furieuse.

Oui, quel esprit sain s'engagerait sans préparation sur les 3 800 mètres de natation dans la claire méditerranée, avant d'entamer à vélo les 180 kilomètres comprenant 1 700 à 1 900 mètres de dénivelé - selon les altimètres, dans l'arrière-pays niçois, pour terminer sous un cagnard, qui peut frôler les 40° C fin juin, les allers-retours pratiquement sans ombre sur 42,2 km de marathon sur la promenade ?

Toi !

Toi, qui un mois et demi avant l'épreuve n'était pas monté depuis des lustres sur ton vélo, avait réalisé deux natations en six mois et engrangé à tout casser une poignée de footings.

Toi, qui devait déjà faire fondre un sur-poids que je n'ose ici chiffrer.

Toi, enfin, qui à cause d'un rythme de travail effréné, dormiras peu jusqu'au 28 juin et le départ de la course à 6h30. Le dernier finisher arrivera à 22h30 et il faudra que tu regardes les barrières horaires. Je sais, c'est horrible, ce que je dis.

Mais, j'admire ta détermination, pas d'échappatoire et tu comptes bien aller au bout et ainsi t'approprier le leitmotiv qui me fait avancer : "la souffrance n'existe pas, elle n'est que psychologique".

J'applique quotidiennement ce principe... Mais la souffrance, je la fais reculer, je la nie petit à petit, à coup de poussoir progressif.

Toi, tu veux le faire d'un bloc. Aussi, sache, que je serai plus effrayé que curieux de voir si tu y arrives. Tu me feras vibrer, ce 28 juin, mais pour que l'expérience se passe au mieux.

Et voici quelques petits conseils que je te prodigue avec beaucoup d'humilité.

L'AVANT-COURSE

N'essaie pas de rattraper le travail de préparation que tu n'as pu faire. Je sais que c'est le cas de la plupart des triathlètes, qui veulent se rassurer en fin de cycle. Pour mon premier Ironman, à Nice aussi, je n'étais pas sorti plus de 140 km à vélo. Même si, je le reconnais, je n'ai pu m'empêcher de courir 30 bornes à pratiquement 14 km/h de moyenne en côte, six jours avant l'épreuve. Je l'ai payé, et j'y repense chaque saison.

Les deux semaines précédant l'épreuve sont consacrées au relâchement, la moitié de volume d'entraînement par rapport aux semaines précédentes. Mais également relâchement de la tension nerveuse au boulot et hors boulot ! Il faut essayer d'accéder à un état zen mais pas trop, où l'organisme reste sollicité mais où la fatigue des dernières semaines s'estompe. La tension nerveuse accumulée est souvent pire que la fatigue physique.

Mais le plus important est de vi-sua-li-ser ! Il faut répéter, dans sa tête, chaque moment de la course. Du petit-déjeuner, après le réveil à 5 heures du mat', jusqu'au passage de l'arche d'arrivée, voire l'après-course. Plusieurs techniques sont couramment utilisées. Mémoriser des mots imagés, des scènes d'entraînement, d'enthousiasme ou de période où tu étais dans le dur et que tu as réussi à dépasser. Cela aide mentalement à gérer les passages à vide ou à ne pas perdre de lucidité (fatigue, enthousiasme, concentration...), d'autant qu'à Nice, à vélo, les accidents et chutes sont légions.

Dans l'urgence de la course, il est courant d'oublier voire de zapper volontairement certaines étapes. Aussi, l'entraînement sert à répéter, que chaque geste devienne machinal. Boire une gorgée toutes les 10 minutes, manger toutes les 30 minutes sur le vélo, passage de vitesse, changement de position, choix des portions techniques pour s'alimenter, protection contre les éléments, prise de repère en natation, fréquence de pas, de bras ou de pédales, etc. Répète donc tout ça sur tes dernières sorties et enchaînements.

LES DERNIERS JOURS

Ne charge pas trop en pâtes la dernière semaine. Les trois ou quatre derniers jours suffiront pour les sucres lents - et la malto-dextrine, promue pour sa densité, est aujourd'hui assez controversée. En revanche, ultra-important de s'hydrater toute la journée, les derniers jours. Il faut reconstituer ses réserves hydriques. Tu en auras besoin. Petit plus, mais il faut tester avant, un demi-citron pressé dans la gourde (pour desoxyder l'organisme).

Afin de checker en détail tout le matériel, fais des enchaînements pour "jouer" (en vrai, c'est encore mieux, quand on a le temps). Combinaison, lunettes, pince-nez, montre, irritations (vaseline), deuxième bonnet, trifonction, cuissard, maillot, veste, coupe-vent, chaussures vélo et course-à-pied, chaussettes, maillot, porte-dossard, casquette, lunettes de soleil, crème solaire, vélo, gourde, porte-dossard, contenus et alimentation bien entendu... Sans oublier le casque ou le matériel anti-crevaison.

Il y a le fait d'avoir imaginé tous les scenarii mais c'est mieux de les anticiper... Pour le vélo, par exemple, un changement de chaîne, les réglages bien sûr, des pneus neufs (ou a minima un examen minutieux pour enlever tout silex) et l'adaptation du matériel anti-crevaison peuvent sauver la mise. En natation, ne pas hésiter à doubler le petit matériel. Et à pied, s'assurer d'avoir choisi la bonne stratégie alimentation/boisson. Inonder l'estomac d'eau à chaque ravito ne permet pas à l'organisme de l'assimiler. C'est pourquoi deux petites gourdes à la taille, par exemple, permettent de boire moins et plus régulièrement, de lutter plus efficacement contre la deshydratation...

L'avant-course, à Nice, est également le moment de s'imprégner de l'ambiance sur le site, du cadre et de la chance d'être là pour un magnifique défi et une très belle épreuve. Ce bain d'émotions est à entretenir jusqu'au départ pour en faire, le jour de l'épreuve, la poussée positive qui te donnera des ailes. Le plus longtemps possible.

THE IRONMAN

Pendant la course, il faudra que tu t'oublies, penses positif et occupes ton esprit. Les changements d'état d'esprit sont courants en course et témoignent principalement de lassitude. Il suffit parfois de s'arrêter pour se soulager, pour passer de sensations dures à un bien-être incroyable. Tout est dans la tête mais il faut l'aider, la distraire ou s'oublier.

Mark Allen conseillait de garder son énergie et son calme. Ne pas trop gamberger, pour s'économiser, travailler la respiration, pour retrouver son calme (en une respiration) car les événements ne tournent pas comme on l'entendait. S'attendre aussi à de tels événements, qui modifient le déroulement de la course qu'on a visualisée, peut aider. Face à l'usure, découper en étapes ce qu'il reste à faire permet de gérer la longueur. Pour avancer, étape par étape.

Le petit-déjeuner. Stratégique. Il faut des sucres lents, du plaisir, et avoir le temps de le digérer... Car derrière, il faudra nager. On déconseille par exemple le thé, trop diurétique. Et une boisson énergétique peu avant la course favorise le processus d'assimilation. Pareil, à la sortie de l'eau, pour le retour de l'estomac de l'horizontal à la verticale, il est souvent conseillé de ne pas manger immédiatement, plutôt de boire, idem une boisson énergétique...

Tout le bon déroulement de l'épreuve et l'enchaînement est dans les détails. Je me souviens de cette fille du club qui n'a pas retrouvé ses sacs de course (vélo + course à pied) sur les racks, à Roth, et qui a dû faire vélo et marathon en sandalettes, celle de son frère qu'il lui avait lancées par-dessus les barrières. Tout peut arriver. Et, dans le stress matinal, à cinq heures du mat', mieux vaut s'assurer que l'on ne laisse rien au hasard. Des pneus regonflés (dégonflés la veille pour qu'ils ne pètent pas sous l'effet de la chaleur et du soleil) jusqu'à la bonne répartition du matériel dans les quatre sacs (1 par discipline + 1 pour les affaires persos). Mieux vaut tout vérifier soi-même. Pense aussi à tes ravitos persos que tu pourras récupérer à vélo sur le parcours.

Pour la natation, pars derrière et essaie de te placer dans des pieds qui sont à ton allure, surtout, repère-toi régulièrement pour ne pas zig-zaguer... Sur le vélo, méfie-toi de la côte de la Condamine, 10 % sur quelques centaines de mètres, mais très encombrée au vingtième kilomètre. Et gère le dénivelé par étape en évitant de faire le Fangio dans les descentes, afin de survivre. Et si tu croises l'un des 47 pros, c'est qu'il doit être au second tour (lol). Enfin, sur le marathon, gare à la chaleur, pas d'emballement et évite de t'arrêter, c'est là que tu perds du temps. Mais, des gars qui vomissent sur le bord de la route, d'autres qui s'allongent d'épuisement sur les rares carrés d'herbe ne te seront pas épargnés. Alors, évite de faire comme eux.

 LE DERNIER CONSEIL, DE MARK ALLEN

Avez-vous déjà remarqué que la plupart des drames sur Ironman se situent à quelques mètres de la ligne d'arrivée ? Il y a des tas d'explications à cela, et en voici une. Nous sommes comme une voiture qui arrive à un stop. On ne freine pas d'un coup, mais on décélère. C'est exactement ce qu'il se passe pour nous d'un point de vue énergétique. La ligne d'arrivée est le stop et on décélère au fur et à mesure.

Mettez votre propre ligne d'arrivée 400 mètres après celle de tout le monde. Soyez sûr d'avoir encore assez d'énergie pour passer la ligne officielle et atteindre la vôtre. Cette technique toute simple peut vous faire sentir fort jusqu'au chrono final. Un dernier conseil pour courir à la perfection. Donnez-vous une marge de 5 %. Si vous voulez courir en 11 heures, entraînez-vous pour courir en 10h40 (là, c'est mort !). C'est là votre assurance si les choses deviennent vraiment compliquées.

 

Go, go, go ! Et prends du plaisir !

 

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